Hommage à Alain, parti trop tôt...
Je vous mets le texte qui sera lu d'ici quelques minutes à l'enterrement de mon beau-père, mon mari a pris sa plume et son coeur pour l'écrire, avec sa permission je vous fais entrer dans l'intimité de notre famille :
'' Cher papa,
Tu vas me manquer.
Nous nous sommes assez peu parlé ces derniers temps et je regrette que nous n’ayons pas eu le loisir d'échanger davantage. L'éloignement y a bien sur contribué, mais surtout la croyance un peu naïve que le lendemain existerait toujours et que nous pourrions toujours rattraper le temps perdu.
La mort, hélas, nous a rappelé brusquement la temporalité de la brièveté de la vie.
Aujourd’hui je suis loin, et jamais la distance ne m’a parut si grande alors que j’écris ces quelques lignes. J’ai le cœur gros.
Mais plutôt que de larmoyer et de me faire prisonnier des regrets, je voudrais rendre hommage à ce que tu m’as légué, cette part de toi qui vit à travers moi et contribue à me définir en tant qu’individu.
Papa, de toi j’ai hérité mon coté épicurien. Manger, rire, boire, passer de bons moments entre amis, le verre remplit et le sourire aux lèvres, puis ronfler sans concession sur le plus proche divan. Dans les repas de familles, nous faisions partie de ces redoutables ripailleurs engloutisseurs de victuailles et malgré la concurrence de compétiteurs tel que Christian et François, nous étions capables de beaux exploits. Te rappelles-tu ces quelques séances de médication au Fernet-Branca après ces riches repas ? N’était-ce pas le mariage le plus réussi entre Naturopathie et Hédonisme ?
Papa, de toi j’ai aussi acquis diverses passions. Musique, informatique, et… mycologie. Dès mon plus jeune âge, tu m’as appris à identifier et classifier des champignons et même… les nommer en latin. Si, si, J’ai encore la trace d’une vidéo où tu m’interrogeais devant un panier rempli de champignons. Cantharrelus tubeaformis, Amanita rubescens
Au chapitre de l’éveil à la science, j’ai encore ce souvenir vivace où nous étions avec Franck, à jouer aux petits chimistes en herbe et nous apercevant tu nous as dit "Attention aux projections !". A peine avais-tu fermé la porte que la mixture à base de permanganate de potassium que nous avions porté a ébullition, explosait dans la cuisine !
C’est aussi ma passion de la technologie, dont j’ai fait mon métier qui est née dans le sillage de la tienne. Notre foyer a toujours abrité des Ordinateurs, jeux vidéo, caméras et autres objets plus insolites, aussi passionnants qu’inutiles au rang desquels trônait un four gadget à céramique hors de prix, qui au-delà d’avoir fait le bonheur d’un VRP peu scrupuleux, nous aura quand même servi à imprimer quelques photos sur des assiettes… Avec le recul, cela fait de beaux souvenirs. Et puis rassure toi, la pomme ne tombe jamais loin du pommier, je fais régulièrement ce genre d’achat inutile et donc indispensable.
Papa, tu avais aussi à cœur d’aller au delà de la couche superficielle et matérielle de notre existence terrestre : la spiritualité était au cœur de ta vie. Sans être proselyte, tu engageais très souvent des conversations ou tu me communiquais ta vision de la vie et de notre raison d’exister. Tu m’avais offert le livre tibétain de la vie et de la mort rinpoché sogyal, ou encore le moine qui vendit sa ferrari. Au cours de ta vie, tu as exploré plusieurs voies sans vraiment t’engager dans aucune. Mais je sais, qu’ « in fine » , ce sont dans les valeurs de l’église catholiques que tu te reconnaissais le plus.
Papa, sans avoir ta ferveur religieuse et ta croyance, j’aspire moi aussi à tenter de voir ce qu’il y a derrière le voile et faire que ma vie échappe à la vacuité d’une existence purement matérielle (sauf les gadgets bien sur, nous sommes bien d’accord la dessus !).
Finalement, il y aussi une chose qu’il me semble importante de dire.
Dans notre grande famille, nous avons toujours eu un tempérament fort et bouillonnant, et pour ceux qui nous connaissent intimement, il pourrait même s’agir d’un euphémisme. La colère a souvent été notre réaction face à ce qui nous semble injuste. Mais je pense qu’après avoir essuyé épreuves et orages dans ta vie, tu avais finalement trouvé équilibre et sérénité. Tu avais trouvé un havre de paix auprès d’Anne-Marie, et trouver un sens à ta vie en exerçant ton métier, à enseigner et soigner. Finalement, tu t’étais posé. Serait-ce d’ailleurs une ironie de la vie ? Alors que nous trouvons enfin le repos de l’âme ici bas, nous sommes appelé à quitter ce monde ?
Quoiqu’il en soit, j’espère que là où tu es, tu auras la réponse à toutes les questions que tu t’es posé dans la vie ou encore que tu puisses être conforté dans tes croyances.
Adieu papa,
Tu vas me manquer. Tu vas nous manquer.
Ton fils qui t’aime. ''